samedi 12 décembre 2015

Ce que je veux montrer...


Au moment où je partage cette image des superbes fresques de l’île-Barbe près de Lyon que j'ai pu visiter enfin après des années de patience, je profite de l'instant pour un petit regard rétrospectif sur ce blog et mon propos.

Voilà presque un an que j'ai entamé cette promenade dans la grande et défunte région Rhône-Alpes, puisque celle-ci fusionne avec celle d'Auvergne au caractère pourtant tellement différent.
 Ce blog est conçu comme une promenade et une découverte. Cela fait quelques années que je visite des églises romanes en France et en Europe et l'incroyable diversité de l'art roman imposerait deux ou trois vies pour en découvrir toutes les richesses, mais heureusement nous sommes nombreux à partager une passion réelle pour l'art roman et cela permet d'augmenter et de croiser nos regards.

Je le confesse ici, je  suis gourmand et curieux, j'aimerais tout voir ou tout montrer, je pourrais aussi multiplier les photographies des églises que je découvre sous tous les angles mais je ne vois pas d’intérêt à montrer dix images d'un même chapiteau ou d'un portail ... Je préfère choisir et seulement donner envie de voir comme moi-même j'ai eu cette envie en parcourant les premiers livres de la collection du " Zodiaque".

Je cherche aussi à renseigner et documenter mes visites de la manière la plus précise et la plus exacte possible. J'ai la chance d'avoir une grande bibliothèque que j'augmente régulièrement et je suis soucieux de la qualité des sources.
J'ai déjà averti que je n’étais pas universitaire, mais je pense que l'on peut évoquer l'art roman et surtout les émotions que provoque cette rencontre avec l'art sans être seulement du sérail. Les billets qui illustrent ce blog sont souvent courts et synthétiques, mais je l'espère exact, même si je le sais certains sujets font encore l'objet de multiples controverses d'interprétations.

Qu'elle soit appréciée ou critiquée ma démarche est avant tout esthétique; pour moi l'art roman se regarde de manière contemporaine et parfois moderne et il est passionnant d'en ressentir encore toute la puissance et l'impression qu'il provoque parfois chez nos plus grands artistes. Toutefois je n'ignore rien de contexte historique qui l'a vu naître ( du moins je l'essaye); mais quand je regarde le grand tympan de Vezelay, c'est tel qu'il est que je l'admire et non tel qu'il devait être lors de sa création.

J'apporte aussi un soin particulier à l'image qui est ma sensibilité personnelle. Il n'y a donc pas tout dans ce blog et ce n'est pas mon ambition, elle serait d'ailleurs vaine. Je pourrais paraphraser André Crozet et dire que ce qui me touche c'est à la fois la diversité et l'universalité de l'art roman. je rajouterais que c'est aussi sa curieuse singularité,comme si cet art nous donnait une voix propre.

Enfin j'aime les résonances, les mises en perspective, les correspondances, les influences que l'on peut retrouver d'église en église. Il est passionnant par exemple, de découvrir les itinéraires de grands artistes aux noms parfois seulement connus, leur influence sur d'autres artistes leur goût de la découverte dans un Moyen Âge beaucoup plus fécond  qu'on ne l'imagine habituellement. Le Moyen  Age pourrait nous apporter son message, qui n'est pas celui des âges sombres de guerres et de pestes mais au contraire celui de la multiplicité des échanges culturels et des savoirs ainsi que des arts.

Je ne fais ici qu'effleurer ce qui est pour moi une conviction profonde; le caractère si européen  de cet art, qu'il puise à la fois dans ses racines et qu'il étend dans la ramure de ses influences les plus modernes. Et au-delà il est ouvert à toutes les influences qui le traversent ou qu'il rencontre, de Byzance à Rome; de l'Islam aux arts vikings des anciens celtes aux peuples des steppes.
Cet art m'attache profondément et intimement à  une culture européenne qui n'est pas celle du repli sur soi mais bien au contraire de la curiosité de la fécondité et de la variété.


Je reviens donc à mes images pour faire seulement découvrir un détail des fresques de la chapelle du Chatelard de l'ancienne abbaye de L'Ile Barbe au nord de Lyon sur une petite île charmante au milieu de la Saône.
Bien sûr je partagerais d'autres photos à l'occasion de billets que je consacrerais à la grande et belle ville de Lyon. Ces fresques éblouissantes et jusqu'alors très peu dévoilées ont été pour moi un  véritable choc artistique et émotionnel que j'ai voulu ici mettre en perspective avec deux autres ensembles majeurs et voisins de l'art pictural roman; les fresques de la Chapelle des Moines de Berzé-la-Ville et celle de l'Abbaye de Saint-Chef en Dauphiné.


L' admiration de ces merveilles me dispensera de tout autre commentaire (pour l'instant).

vendredi 4 décembre 2015

Qui est le "Maître" d'Avenas ?

Au delà de la question du roi donateur qui a donné lieu à bien des controverses, le seule mystère qui demeure en présence d'une oeuvre aussi exceptionnelle est à la fois celui de sa dation et de  sa place dans la grande sculpture bourguignonne du XIIe.

Si l'église actuelle semble dater de la première moitié du XIIe on peut se demander si l'autel lui est contemporain ou postérieure comme le suggérerait la dédicace mais qui peut être un ajout tardif. 

Il est incontestable que le sculpteur de l'autel devait être un grand artiste au talent parfaitement maîtrisé comme en témoigne la grande force et aussi la sérénité des personnages avec un sens réel du mouvement, ainsi la longue main bénissante du Christ ou encore l'ovalité des visages en particulier des apôtres. 






Il convient également de souligner l'organisation des apôtres autour du Christ en deux étagements et quatre groupes autour d'un quarré presque parfait que forme le Christ entourés des symboles des évangélistes.



Enfin le mouvement et la délicatesse des personnages traités dans les panneaux latéraux, le drapé sage mais rigoureux des vêtements laissent penser que ce sculpteur n'appartenait pas à un atelier clunisien ou brionnais comme à Charlieu ou Saint-Julien de Jonzy aux drapés et mouvements complexes et presque exubérant. La sculpture trouve aussi peu de correspondance avec celle de Cluny .

En réalité l'oeuvre rappelle davantage celle du  beau tympan sculpté de Perrecy les Forges dans le Charolais dont je laisse ici un exemple et trouve aussi un écho dans le magnifique Christ de Saint-Amour.
Détail du tympan de Perrecy les Forges

Enfin il semble que cette oeuvre ait durablement inspiré les sculpteur du tympan de Saint-Vincent de Mâcon mais aussi plus loin encore et en particulier en Dombes comme à la façade de Saint-Paul de Varax et au tympan de Vandeins .Ces deux premières églises, manifestant un gout certain pour l'étagement superposé des sculptures . 
Détail du Tympan de Vandeins (Ain)

Détail du tympan de Saint-Vincent de Mâcon

Détail de la façade de Saint-Paul de Varax (Ain)

Ainsi l'autel d'Avenas pourrait être un oeuvre du premier tiers du XIIe entre son modèle le plus proche à Perrecy et ses inspirations multiples jusqu'à la fin du XIIe siècle. Il reste que rien  n'explique encore la présence d'une oeuvre aussi magistrale et unique dans une église aussi excentrée du grand rayonnement spirituel et artistique  de la Bourgogne du sud à cette époque ...

dimanche 29 novembre 2015

L'autel d'Avenas entre la légende et l'interprétation d'une particulière dédicace.

La découverte de l'autel qui occupe presque à lui seul tout le chœur de l'église, au point qu'il semble presque trop petit pour lui est assurément un véritable choc pour le visiteur. En effet cette oeuvre est unique pour la région et peut être pour la France et un jalon majeur de la sculpture romane.

Il est formé de cinq dalles d'un calcaire blanc presque immaculé que seule la faible lumière de la coupole et des vitraux éclairent de lumières changeantes. Seule les trois faces visibles sont sculptées de scènes en haut relief, la dalle arrière étant creusée de trois parallélépipèdes  encadrés des colonnes d'angle où a été aménagé au centre une niche qui devait être fermée pour y accueillir soit des reliques mais plus vraisemblablement des objets liturgiques. La dalle supérieure est elle fortement chanfreinée  et marquée à chaque angle de svastikas symbole o combien païen .


 Sur la face principale trône le Christ dans une mandorle de gloire les pieds posés à plat sur son siège bénissant de la dextre et entouré des symboles évangéliques qui l'entoure dans un quarré avec les douze apôtres répartis en deux registres par groupes de trois.

Sur la droite , à gauche pour les fidèles les scènes de la présentation au Temple, de la Nativité et de l'assomption.


A gauche, à droite pour le fidèle est totalement dédié à la donation de l'église d'Avenas à Saint-Vincent, patron de la cathédrale de Mâcon par une épitaphe en forme de curieux rébus qui à donné lieu à bien des controverses.

On y lit :

"Rex Ludovicus pius et virtutis amicus
 Offert ecclesiam: recepit Vincentius istiam.
 Lampade bissena fluiturus Julius ibat.
 Mors fugat obpositum regis ad intitum."


 Dont la traduction généralement admise est la suivante; " C'est le Roi Louis pieux et ami de la vertu qui offre cette église: Vincent la reçoit.
(Mais il se trouva que) douze jours plus tard, le mois de juillet allait commencer son cours .
La mort met en fuite l'obstacle que le roi avait cru opposer à son trépas.

La traduction de cette dernière phrase ayant laissé le cours à bien des contresens en raison de son imperfection grammaticale.

Mais la controverse demeure sur le Roi Louis donateur. En effet on a longtemps penser que celui-ci pourrait être le Roi Louis le Bègue et même Louis le Débonnaire un de fils de Charlemagne qui donna le lieu au chapitre de Mâcon en 878 cette filiation carolingienne étant renforcée par la légende selon laquelle Avenas était à proximité du château du traître Ganelon que Charlemagne aurait intégralement détruit.
Il semble cependant qu'aujourd'hui tout s'accorde pour évoquer le souvenir du Roi Louis VII dit le Pieux qui conduisit personnellement deux expéditions en Bourgogne en 1166 et 1172. En outre le mois de juillet évoqué dans la dédicace correspond en fait au 20 Juin selon le comput médiéval et selon un complexe chronogramme à l'année 1180 qui est celle de la mort de ce Roi . En outre cette date semble également correspondre à la période à laquelle fut réaliser cette éblouissante oeuvre dont cependant l'attribution magistrale reste le véritable mystère.

dimanche 22 novembre 2015

Le trésor d'Avenas.

Il était impossible pour l'amateur de sculpture romane que je suis de na pas partager mon émerveillement pour ce chef d'oeuvre qu'est l'autel d'Avenas qui surpasse grandement en réputation la modeste église qui lui sert d'écrin mais qui mérite cependant un attentif examen.

Avenas se découvre en empruntant une route sinueuse comme une sorte de bout du monde pour franchir le col du Fût d'Avenas qui était une route majeure au Moyen-âge permettant de relier le Chalonnais et la loire par le Brionnais, route déjà fréquentée par les romains et sans doute antérieurement.

Le petit village blotti au pied du col dans un paysage de forets denses est presque montagneux a gardé une église très largement restaurée au XXe siècle dédiée à Notre-Dame et était une dépendance du diocèse de Mâcon. On doit cependant considérer que cette église devait occuper une place majeure à l'époque romane pour y conserver un aussi fabuleux exemple de la sculpture romane en France. Il ne fait cependant aucun doute que cet autel que je décrirait davantage dans un autre billet à bien été réalisé pour cette église comme en atteste le coté gauche de l'autel qui semble la représenter presque parfaitement à l'identique telle qu'elle devait être  lors de sa construction.

L'église actuelle est cependant modeste, et présente une simple nef en petit appareil d'une quinzaine de mètres couverte d'une charpente. Le clocher est lui moderne et on lui à adjoint au XXe siècle un clocheton ajouré qui en dénature quelque peu l'harmonie . La coupole sur trompe, à la croisé d'un transept saillant est percée de deux petites fenêtres qui éclairent l'autel est charmante ainsi que l'arcature absidale avec ses cinq arcs entourant les trois fenêtres sans doute élargies de l'abside.


Comme à Belleville il faut faire une mention des pilastres de cette arcature; Ils sont au nombre de quatre décorés de motifs essentiellement floraux couronnés de chapiteaux à décor végétal mêlant pour l'un un visage humain et l'autre ce qui pourrait être un serpent . Par leur style les pilastres semblent dater de la fin de l'époque romane et en tout cas plus tardifs que l'autel .




samedi 21 novembre 2015

L'arcature absidale de Notre-Dame de Belleville.

Je ne voulais pas terminer la découverte de cet édifice sans présenter le décor de l'abside auquel je consacre ce quatrième billet qui en souligne l'importance pour la région lyonnaise. Ce décor absidal est en effet d'un intérêt certain et poursuit l’expérience de la magnifique abside de Saint-Martin d'Ainay à Lyon, décor qui va connaître une faveur particulière en Dombes et aussi dans une moindre mesure dans certaines églises du beaujolais comme Avenas qui clôturera en beauté cette évocation de quelques églises romanes du Rhône.

Comme à Ainay dont j'ai tenu a montrer une image les trois fenêtres romanes de l'abside sont encadrées d'une arcature du plus bel effet même si les fenêtres ont été obturées lors de l'exhaussement de l'abside à l'époque gothique.
J'ai tenu donc a présenter deux photos de Lyon et de Belleville montrant les parentés stylistiques existant entre elles.
Notre-Dame de Belleville

Saint-Martin d'Ainay Lyon

Les cinq arcs qui encadrent les fenêtres reposent sur un bahut saillant . Les moulurations toriques des arcs retombent sur des piliers octogonaux avec des chapiteaux sculptés de feuillages variés à l'exception d'un sujet anthropomorphe figurant un homme barbu le torse nu qui semble sortir de son cadre dont il tient les rebords avec une sorte de sourire triomphant. L'interprétation de cette sculpture reste délicate et il est peu vraisemblable d'y voir un Christ entouré d'une mandorle.


La partie la plus remarquable est sans doute le décor de cinq pilastres qui reçoivent tous un décor systématique et presque baroque rappelant avec plus de faiblesse les pilastres de Saint-Martin d'Ainay mais qui sont d'un heureux effet et semble de la même main que le celle du sculpteur qui à décoré les tympans et les colonnes des deux portails sud.

J'ai associé dans un montage les cinq pilastres afin d'en mesurer la brillante diversité faites d'imbrications, de losanges, de rinceaux, de pointes portant des fruits, de décor d'entrelacs et de disques imbriqués, de grecques . Ce goût pour les motifs géométriques n'est pas sans rappeler aussi les motifs plus fréquemment employés à l'époque préromane ce qui comme certains chapiteaux peut surprendre dans une église de la fin de l'époque romane .


jeudi 19 novembre 2015

La sculpture des chapiteaux et des consoles ; entre archaïsme et dégénérescence.

Il est vrai que la sculpture est sans aucun doute décevante pour une église de cette importance à proximité des grands foyers d'inspiration du brionnais en particulier.

Les chapiteaux sont pour la plupart décorés de feuillages en fort reliefs et les rares chapiteaux historiés marque un affaiblissement certain de la sculpture romane de cette fin du XIIe siècle et rappellent par leur traitement assez maladroit les chapiteaux de Semur-en-Brionnais et de Curbigny. Ils sont cependant assez nombreux pour qu'on s'y attarde ainsi qu' à l'examen de la base de colonnes pour certaines sculptées de motifs géométriques.

On remarquera un chapiteau aux aigles et deux chapiteaux figuratifs assez énigmatiques, l'un figurant trois hommes dont les personnages semblent soutenir les angles comme des atlantes.
Un autre chapiteau figure lui un homme avec un bâton en proie à des serpents qui sortent de visages menaçant.





Un chapiteau qui semble plus ancien et en tout cas de meilleure facture, peut être provient-il de la première église détruite, a été réutilisé en bénitier .

Très intéressante est aussi la décoration des consoles situées à mi-hauteur des piles qui ont reçues un décor varié et presque caricatural dans l'esprit des modillons des corniches du Brionnais et déjà très proches de l'époque gothique.






On y trouve des quadrupèdes des masques, des acrobates, un visage dont la langue est traversée par un couteau à moins qu'il s'agissent d'un homme se taillant la barbe; le tout dans une représentation savoureuse et propre à cette époque.

Malgré l'affaiblissement évident de cette sculpture on admirera la fertilité des inventions mais fort curieusement un rappel de thèmes très anciens que l'on retrouve dans la sculpture paléochrétienne , comme le chapiteau des aigles ou encore le vieux thèmes des oiseaux buvant dans un calice. Cette église est ainsi le témoignage de la présence d'un véritable foyer de la sculpture et de l'architecture dans ce territoire traversé d'influences diverses sans en être totalement influencé.